Pensées du vendredi soir
Et le fait que je sois encore en état de penser un vendredi soir, c'est déjà en soi un miracle de Naël.
Ca va mes chats? Ce soir j'ai envie de parler boulot (quelqu'un appelle le 15?) et de ce qui a changé depuis l'année dernière dans ma façon de faire, et je crois, d'être avec mes nains.
L'année dernière a été un peu l'année de l'horreur. Après des années à bosser en bilingue et en école internationale dans un petit cocon, mon arrivée dans une école de quartier (prononcer kartché) a été rude. (hashtag "bienvenue dans la vraie vie, petite Vanessa")... Une majorité d'enfants ne parlant pas français (et cette fois pas des anglais ou des espagnols), des cas sociaux lourds + une ambiance plus que tendue au niveau de la direction, je pense que mes migraines l'année dernière ne venaient pas QUE de mes cervicales. Mais j'ai survécu comme j'ai pu grâce à la méditation et quelques collègues avec qui je pouvais rigoler pour compenser.
Cette année au moins, je savais à quoi m'attendre, je m'étais préparée. Et comme je l'avais vaguement évoqué ici fin août, j'ai décidé de tout changer, de m'adapter à ce public "difficile" avec qui l'enseignement traditionnel et vieillot ne marche plus. Finis les ateliers qui tournent, finis les groupes fixes (les groupes de couleurs, ce grand classique de la maternelle...) finis les regroupements sur un banc à se battre pendant 20 minutes pour réussir à faire tenir assis ceux qui envisagent le banc juste comme un accessoire pour travailler les plongeons, ceux qui font la toupie sur le dos, et ceux qui s'arrachent les cheveux/les yeux/le nez.
J'ai compris que ces gosses n'en peuvent plus du collectif qu'on leur sert à toutes les sauces et que ce dont ils ont besoin c'est de pouvoir être seuls quand ils le souhaitent et qu'on leur fiche la paix de temps en temps. D'être des individus et pas un groupe ou un troupeau. Dans ma classe ils sont en garderie à 7h45, à la cantine à midi, puis re-garderie jusqu'à 18h30. Et en garderie du soir ils sont 110. Je sais pas si tu visualises la journée de ces mômes de 4 ans... Et étant moi-même allergique au concept de groupe ou de collectivité, je me suis basée aussi sur ce que je pouvais ressentir dans ces situations pour essayer de l'adapter dans ma classe.
J'avais commencé tout ça timidement à la rentrée, ateliers autonomes de type Montessori avec des bacs à utiliser et ranger seul, des tables individuelles (j'ai gardé deux grosses tables de 8 places pour la peinture mais tout le reste ce sont des tables où ils peuvent être seuls ou juste à 2) Or en maternelle, souvent dans les classes c'est 4 grosses tables (pour les 4 groupes...). Forcément ça fait du bruit et le gamin qui a besoin de solitude ou juste envie de faire un truc tranquille, c'est cuit. Et surtout j'ai supprimé la sacro-sainte succession accueil / rangement/ regroupement/ ateliers en début de matinée.
Le matin je les laisse jouer presque tant qu'ils veulent (ça peut aller jusqu'à 9h30) et pendant que ceux qui veulent jouer jouent, je fais des ateliers avec un petit groupe (des volontaires qui viennent s'inscrire tous seuls.) Déjà ça m'évite de perdre du temps à tout ranger et tout ressortir ensuite, et ceux qui jouent savent que s'ils veulent que je leur fiche la paix, ils doivent être discrets. J'ai un double niveau mais je ne fais pas d'activités séparées pour les grands et les moyens, je propose une chose avec plusieurs niveaux de difficulté, en général 3 ou 4, comme ça chacun y trouve son compte et bosse à son niveau. En me voyant bosser avec leurs potes, en général ils ont envie de venir aussi. Du coup moi je suis disponible, (ce qui est rarement le cas quand tu gères 4 ateliers et que de tous les côtés c'est mécreeeeeeeesse, j'ai finiiiiii, mécreeeeeeesse je fais quoooooiiiiiii, mécreeeeeesse je le mets oùùùùùùù? (DTC) là, les 4 qui bossent avec moi savent que je suis là et du coup ils sont détendus, quand ils savent faire je les envoie finir seuls à une autre table et roule ma poule.
Et du coup le matin ils ne rangent qu'une fois, avant le goûter. C'est beaucoup mieux pour tout le monde. Et vachement plus agréable pour moi de bosser avec un groupe de 5 en leur parlant doucement que de m'arracher les cheveux/les yeux/le nez à essayer de faire bosser 28 nains en même temps. (#missionimpossible).
J'ai eu mon rapport d'inspe*ction cette semaine, et à ma grande suprise, super note et remarque générale hyper positive (alors que franchement, le jeudi aprèm où elle est venue, ils étaient disjonctés, lui ont fait tomber une boîte de clous 2 FOIS DE SUITE sur les pieds (dans ma classe ils ont clous et marteaux, des vrais) et se roulaient par terre en salle de jeux.) Mais apparemment ça l'a pas traumatisée et je crois que c'est surtout ma réaction qui a sauvé la mise. (#zénitude absolue + voix d'animatrice FIP "mon lapin, aurais-tu l'immense bonté d'aider Casse-bonbons à ramasser les 827 clous qui sont sous les pieds de la dame?")
Ce qui m'a surtout fait réfléchir, c'est sa remarque sur mon rapport avec les nains. Moi qui me trouve souvent trop exigeante avec eux, ce qu'elle a retenu c'est que j'étais douce et apaisante. Or si je devais qualifier ma relation avec eux, j'aurais plutôt tendance à retenir l'humour et le second degré. Je passe mon temps à faire/dire des conneries pour les faire réagir, parce que je trouve que l'apprentissage de l'humour est une chose absolument primordiale. Beaucoup d'instits de maternelle sont vachement premier degré avec les gosses, or même à 4 ans ils sont capables d'avoir de l'humour, c'est juste un truc qui s'apprend, comme le reste... Et en déconnant on fait passer beaucoup plus de choses, y compris de l'affectif. Un gosse que tu fais rire il va te kiffer sévère (c'est comme avec les femmes...) Après c'est une histoire de caractère, hein, faut le sentir de se mettre à danser en classe avec la radio à fond, se mettre des accessoires sur la tête ou leur balancer des vannes. Mais dans ma classe j'en ai déjà plein qui comprennent quand c'est du second degré, qui me regardent en haussant un sourcil et qui essaient de répondre dans le même registre. (et du coup, c'est moi qui me marre).
Et surtout, un truc énorme qu'il y a cette année et qu'il n'y avait pas l'année dernière, c'est qu'ils m'aiment. Sérieux, je te jure des fois ça fait peur. Le nombre de fois où ils se jettent sur moi pour des câlins, où ils viennent dans mes bras quand je suis assise, où ils s'entretuent pour me donner la main, ça faisait des années que ça ne m'était pas arrivé. Alors d'abord je hurle en disant "arrrrggghh au secouuuurs, tout cet amour c'est affreeeeuuuux je veux ma mamaaaaaan" et ça finit en hug collectif géant et en coeurs avec les doigts en disant "looooove". (#votre enfant est dans une secte).
Alors depuis une semaine je pense à ces deux mots, douce et apaisante. J'y pense quand ils me rendent chèvre et j'essaie de lâcher prise. D'oublier 5 minutes MES exigences pour me mettre à LEUR place de gosses stressés et en groupe toute la journée. Et du coup, cet aprèm, celui qui refusait obstinément de s'asseoir avec nous 5 minutes avant l'heure de la sortie parce qu'il voulait ABSOLUMENT ramasser tous les papiers qui traînaient par terre, ben je l'ai laissé crapahuter sous les tables. La petite chinoise qui sort de l'école tous les soirs à 18h30, y compris le mercredi, et qui passe son temps à vouloir se coucher, elle a un coussin sur le petit canapé. J'envoie des mails rigolos pour souhaiter les anniversaires quand ça tombe pas sur un jour de classe. Je leur parle toouuuut doucement (avec ma voix de chaudasse), je les prends sur mes genoux quand ils sont moyennement motivés à lâcher leur mère le matin et je leur raconte des conneries qui les font rigoler.
Et des fois, quand je les regarde (parce que forcément, maintenant que je suis moins sur leur dos j'ai aussi plus de temps pour les observer) je me dis qu'ils s'en sortent plutôt bien, que ça fonctionne, et surtout qu'ils ont l'air vachement heureux d'être là. Vu de mes oreilles, ça a parfois l'air bruyant, mais quand je les observe individuellement je me rends compte que chacun vit sa vie, chacun s'affaire de son côté. C'est comme dans une ruche, ça bourdonne dans tous les coins. Ils apprennent à se débrouiller seuls. Ils grandissent.
Et surtout ils se marrent.
Et ça, je crois que c'est ma plus grande fierté, d'avoir une classe qui rit....
Photo prise ce matin en récré pendant que je faisais un masque à la chlorophylle.
Et cadeau bonux, les arbres Klimtesques du jour.
Aujourd'hui, à midi je leur ai dit "ce matin vous avez été parfaits". Y'en a un qui m'a répondu "toi aussi".
Love, je vous dis...
/https%3A%2F%2Fstorage.canalblog.com%2F50%2F33%2F1193671%2F132424053_o.jpeg)
/https%3A%2F%2Fstorage.canalblog.com%2F11%2F92%2F1193671%2F130662544_o.jpeg)
/https%3A%2F%2Fstorage.canalblog.com%2F44%2F69%2F1193671%2F130554137_o.jpeg)
/https%3A%2F%2Fassets.over-blog.com%2Ft%2Fcedistic%2Fcamera.png)