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Onceuponahappytime
21 juin 2017

Cher corps (la suite)

(Article en écho à ça:  http://merryandbright.canalblog.com/archives/2017/05/30/35331887.html )

P1220130 - copie

 

En commençant cet article, j'ai fait deux fois la faute d'écrire "chers corps", y compris dans la légende de cette photo. Ca m'a fait rire, comme si au fond, le message que m'envoyait mon cerveau était que j'avais ou avais eu plusieurs corps, ce qui quand j'y réfléchis n'est pas totalement faux. Mon corps tout comme mon esprit, mon caractère, n'a jamais cessé d'évoluer, et je crois que ce qui rend tant de femmes malheureuses et en colère envers elles-mêmes, c'est de s'accrocher à une image de leur corps à un moment donné (en général le corps de leurs 20 ans...) et refuser les changements, les transformations, ou en tous cas les vivre dans la douleur. Or qu'est la vie si ce n'est une perpétuelle transformation, un changement continu? (Aujourd'hui je suis ta prof de philo, dis bonjour madame et enlève ta casquette et tes écouteurs steuplaît.)

Pendant très longtemps j'ai été très mal à l'aise avec mon corps que je trouvais trop grand et trop encombrant. Enfant j'étais un petit peu rondelette et vers 9-10 ans je le vivais assez mal, principalement à cause des remarques de mes parents et de mon instit de l'époque qui était un gros con. Je détestais le sport, je détestais courir et je me souviens d'un jour où lors d'une séance d'endurance dans la cour il m'a dit que je courais comme un éléphant. Ou comment dézinguer définitivement ta confiance en 3 secondes. Je suis rentrée en pleurant et je me suis promis de ne plus jamais courir de ma vie. J'ai pensé à lui le jour où j'ai fini mon premier semi-marathon. Pauvre connard.

On n'a pas idée à quel point les critiques sur le physique des petites filles peuvent les poursuivre. Alors que j'étais juste un petit peu rondouillette (et que je me trouve absolument adorable sur les photos de mon enfance avec ma bouille malicieuse et mes fossettes) j'ai grandi avec l'idée que j'étais grosse et moche. Et quand tu grandis avec ça dans la tête, il suffit d'un rien pour que ça te revienne en pleine face. Surtout quand tu as des parents qui ne sont pas forcément très rassurants à ce sujet, une mère perpétuellement au régime et un père qui passe son temps à trouver les autres petites filles tellement mignonnes quand toi tu as juste l'impression d'être l'éléphant dans le magasin de porcelaine. La première fois que quelqu'un m'a dit que j'étais jolie j'avais 11 ou 12 ans, je venais de me faire casser le nez en me battant, et quand la nouvelle femme de mon oncle qui était là à ce moment là l'a su, elle a dit "quel dommage elle était tellement jolie". Quand on m'a rapporté ça j'ai eu un choc. La preuve c'est que je m'en souviens encore... Bref, merci papa, j'ai grandi en étant persuadée que toutes les autres filles étaient toujours mieux que moi. Merci papa j'ai passé ma vie de jeune fille et de jeune femme à me comparer perpétuellement aux autres, toujours avec un regard à la baisse, et ça m'a pourri une grande partie de ma vie. 

Pour en rajouter une couche j'ai donc fait des années et des années de danse (tu sais ces cours où tu es face à un miroir en justaucorps et où tu scrutes chaque partie de ton corps avec juste à côté de toi des filles qui font 1m50 et 40 kgs...même en essayant de dire fuck ça déforme complètement ta perception de ton corps...) et un passage dans une agence de mannequins où après mon premier défilé j'ai décidé de me mettre au régime et où ma relation avec la bouffe a commencé à vraiment merder. J'avais 20 ans et je ne pensais qu'à priver et punir mon corps. Le punir d'être comme il était. De ne pas avoir une silhouette frêle, de ne pas ressembler à toutes les autres nanas filiformes qui défilaient avec moi. Pendant des années ça a été n'importe quoi. Je ne mangeais que des carottes rapées et des yaourths, je me pesais tous les matins, je calculais toutes les calories que j'avalais. Je n'avais plus aucune notion de comment était mon corps, tout ce que je faisais c'était le hair et être en conflit avec lui. Sans jamais avoir dans ma famille aucun soutien, aucune parole de réconfort ni aucune discussion à ce sujet. 

Et puis grâce à la musique j'ai réussi à penser un peu à autre chose, à me faire jolie pour des concerts (et à me trouver jolie), à obtenir par mes performances au violon la reconnaissance que j'avais toujours cherchée sans jamais l'obtenir. A me dire OK, je vaux quelque chose. Je ne suis pas si nulle/moche etc..

Vers 30 ans j'ai rencontré ma sorcière bien aimée (qui est donc médium et qui fait des thérapies par le corps) qui m'a en gros sauvé la vie en me fichant la plus grosse claque (au second degré hein..) que je n'avais jamais eue jusqu'alors. Je me souviendrai toujours de ma première séance, allongée en culotte sur le sol et pendant laquelle j'ai réellement cru que j'allais crever. Ce jour là elle m'a obligée à réintégrer ce corps que je désertais faute de l'aimer, ce jour là j'ai eu tellement tellement mal, partout.. J'ai tellement pleuré ... Une par une elle a localisé toutes mes blessures, les non-dits, les traumatismes, il m'a fallu tout revivre. Réapprendre à respirer, me ré-incarner, revenir habiter mon corps. Je n'avais jamais été secouée comme ça mais à partir de ce jour là ma vision de la vie a radicalement changé. J'ai travaillé d'arrache-pied pendant des années à détricoter toutes les constructions biaisées sur lesquelles j'avais construit mon estime (ou mésestime...) de moi. 

J'ai pardonné et j'ai demandé pardon. Pendant des années j'ai parlé à cette enfant que personne n'avait su rassurer. Je lui ai dit qu'elle était merveilleuse, qu'elle était aimée, qu'elle pouvait grandir sans avoir peur. Que je garderais toujours un oeil sur elle. Je lui ai demandé pardon de n'avoir pas pensé à la rassurer avant. Pardon de l'avoir laissée si triste et si seule.

J'ai pardonné à mes parents de n'avoir pas su me donner confiance en la vie et confiance en moi. Je me dis qu'ils avaient déjà tellement de mal à se gérer eux-mêmes, à gérer leur couple, leurs fantômes... J'ai pardonné. Ils ont fait ce qu'ils ont pu. 

Ce qui compte c'est que j'aie trouvé le chemin. Toute seule. Il a d'autant plus de prix à mes yeux. Et ce chemin c'est celui de l'amour de soi et de la bienveillance. Je reste aujourd'hui persuadée qu'on ne peut pas aimer réellement, entièrement quelqu'un tant qu'on ne s'aime pas réellement entièrement soi-même. Il y a toujours une petite amertume, une petite pique qui finit par ressurgir quelque part.

J'ai demandé pardon à mon corps. Pardon pour les régimes, les privations, la dureté qui ne sont en réalité que maltraitance déguisée. Pardon pour les mots horribles et dégradants que j'ai eus devant ma glace quand j'étais plus jeune. Personne ne mérite d'entendre ça. Pardon pour les comparaisons.

Aujourd'hui j'ai 45 ans et je m'aime. Mon corps change. Mais mon esprit, mon mental, mon caractère aussi. Le changement est sain, c'est le signe qu'on est vivant. Aujourd'hui je continue à travailler cette bienveillance. Sans cesse. Apprendre à être plus tendre avec soi c'est le travail de toute une vie. C'est aussi se permettre d'être aimé profondément. Pouvoir être nue contre la femme que j'aime, m'offrir à elle sans la moindre réserve, être pleinement là, profiter de chaque seconde de ce merveilleux échange d'amour, de corps.

Aujourd'hui après des années de guerre idiote j'ai fait la paix avec mon corps. Lui a toujours été parfait, c'est juste mon regard qui déconnait.

Aujourd'hui tout va bien. Mon ventre doux, mes côtes parfois un peu saillantes, mon duvet blond sur la nuque, mes hanches qui s'arrondissent avec les années, tout me va. Mon corps c'est ma première maison. Aujourd'hui je veux lui offrir le meilleur. De la bonne bouffe à volonté, de la considération, de la gentillesse, de la méditation, de la paix et surtout des caresses et beaucoup d'amour.

Et plus j'avance sur ce chemin, plus je me sens forte et capable de lutter contre tout ce qui a pourri ma jeunesse et qui pourrit encore la vie de tant de femmes. Et si mes mots sur ce blog dans la catégorie "féminisme" ont pu ou peuvent aider ne serait-ce qu'une seule personne à prendre conscience de la façon dont on nous manipule et à quel point il est important de se battre contre ça ben j'aurai pas fait ça pour rien.

Cher corps... chers corps.... Merci.

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Commentaires
V
merci pour ton non-commentaire ;)
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G
Pas de commentaire : tu as tout dit ! et tu l'as très bien dit ! bravo !
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Onceuponahappytime
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